VERS LA REHABILITATION DU MAGASIN A POUDRE DE ST EDEN

Il était temps de commencer à s'occuper du magasin à poudre de St Eden, qui se dégradait et perdait des pierres au fil des ans, au point qu'on voit déjà le jour à travers le toit. Cette année du tricentenaire de la mort de VAUBAN était un moment opportun pour envisager de remettre en état cet élément rare du patrimoine de Plouescat .

Un élément unique de notre patrimoine 
C'est en effet, de toute la côte nord du Finistère, le seul monument de ce type qui soit encore debout et relativement en état, si l'on excepte celui de la pointe de Trémazan, plus petit et de conception rudimentaire, et celui de l'île de Sieck qui est très délabré.
Les magasins à poudre étaient pourtant très nombreux, situés près des batteries réparties tout le long du littoral, mais la plupart d'entre eux ont complètement disparu ou il n'en reste que des traces.

La marque de VAUBAN
Celui-ci n'a pas été bâti du vivant de VAUBAN mais un demi-siècle plus tard. Cependant sa construction s'inscrit dans le cadre des travaux que VAUBAN avait planifiés en choisissant cet emplacement pour y installer des batteries.
A l'origine, l'édifice était certainement recouvert de dalles de pierre. Celles-ci avaient peut-être déjà disparu quand la poudrière a été de nouveau mise en service sous Napoléon, et la toiture avait dû être grossièrement réparée avec des pierres plus ou moins plates et du mortier.
Selon le spécialiste de la défense côtière Guillaume LECUILLIER, (auteur d'un récent ouvrage sur le château du Taureau), qui a fait l'inventaire détaillé des sources, le magasin à poudre de St Eden est "une construction du milieu du 18e siècle restaurée début 19e siècle : donc, pas de plan type... mais sûrement un plan de situation ou de détail au Service Historique de l'Armée de Terre à Vincennes dans les grands atlas".
Les recherches seront poursuivies pour exploiter cette information.

L'emplacement des batteries

Carte de Cassini de 1782


Dans les archives, sur l'état d'armement de la première quinzaine de juillet 1793, on relève :
"Deux batteries avec trois canons de 18 sur affûts marins à Cam-Louis et une batterie de deux pièces de canons de 18 sur affûts marins nouvellement établie à la pointe du Kernic."
"Aux deux batteries de Plouescat (Cam-Louis), 3 affuts montés, 3 canons de 18 montés sur leurs affûts."
Les deux batteries dites de Camlouis dont il est question ici sont en réalité celle de St Eden près du magasin à poudre, avec trois affûts sans canon, ce qu'on appelle en termes militaires une "batterie sèche" (désignation figurant déjà sur la carte de Cassini de 1782), et celle qui se trouvait près du menhir de Camlouis, avec trois canons complets de 18 (les boulets pesaient 18 livres). On pouvait voir encore, dans les années 50, les remblais de terre destinées à protéger les batteries à St Eden et à Camlouis. Ils ont disparu complètement depuis.

Le projet de réhabilitation


M. François CADIOU et des membres de SEVEL PLOUESKAD à ST EDEN
devant le magasin à poudre


S'il n'y a pas de plan type, il est impossible de procéder à une restauration au sens strict du mot, mais on peut envisager ce qu'on appelle une "restitution".
En 2003, l'édifice avait été expertisé par le spécialiste de TIEZ-BREIZ.
Cette année, le projet qui a été soumis à l'Architecte des Bâtiments de France a recueilli un avis "très favorable, à condition qu'il soit confié à un maître d'œuvre agréé compétent". En accord avec ces recommandations, nous avons fait appel à l'architecte François CADIOU, de Landerneau, qui a commencé à y travailler.
Le principal objectif étant de procéder à la "restitution du couvrement", Il fallait trouver des éléments susceptibles de servir de modèle pour reconstruire la couverture du magasin à poudre en dalles de pierre.

La recherche d'éléments de similitude


Le corps de garde, la guérite et, au premier plan, le magasin à poudre de Plouguerneau


Une photo ancienne, prêtée par Goulc'han KERVELLA, nous montre le magasin à poudre de Plouguerneau, au port de Koréjou, avant sa destruction dans les années 40. Les dimensions du petit bâtiment et surtout la pente de la toiture sont très proches de celui de ST Eden.
Il existait aussi à St Eden, non loin du magasin à poudre, un corps de garde, disparu pendant la guerre, tout à fait semblable à celui de Plouguerneau. On peut aussi rapprocher l'ensemble corps de garde, guérite et magasin à poudre de l'île de Sieck, mais trop dégradés pour qu'on puisse réellement s'en inspirer.
Nous n'avons pas encore trouvé de document permettant de les dater de façon certaine, mais tout porte à croire que ces bâtiments sont de la même époque et existaient le milieu du 18ème siècle. Les batteries situées à proximité, ainsi que le corps de garde, sont mentionnés sur la carte de Cassini de 1782.
D'après des archives du Génie (à Vincennes), le magasin à poudre de Plouguerneau, susceptible de nous servir de modèle, daterait de 1742. Avant cette date, la poudre était "logée chez un quidam près du corps de garde", mais les batteries étaient en place depuis Vauban, à la fin du 17ème siècle.
Etant donné que le secteur de Brest à l'île de Batz se trouvait alors sous le même commandement, on a peu de chance de se tromper en supposant que la poudrière de St Eden est de même facture que celle de Plouguerneau (Il est peu probable que les recherches, qui se poursuivent cependant, puissent apporter un jour davantage de précision sur la construction elle-même).
Par ailleurs, la similitude des toitures peut être observée sur les corps de garde situés le long de la côte dans ce secteur : Lanildut, Belon, Plouguerneau, Guissény, Cléder.
On peut aussi voir à Roscanvel, au Fort de la Fraternité, un très grand magasin à poudre (7mX7m environ) en parfait état, mais plus récent et datant de la Révolution, probablement de 1793. Les dimensions extérieures du magasin à poudre de St Eden sont approximativement celles d'un carré irrégulier de 3,40m de côté.

Une étude préliminaire


Coupe horizontale : on remarquera la double porte et les ouvertures d'aération en chicane, caractéristiques des poudrières


La première phase du projet consiste en un travail d'architecture mené par M. CADIOU de façon à préparer les plans permettant le choix de la meilleure option. Car il y a plusieurs possibilités, dépendant entre autres du type de corniche choisi pour la toiture et de la pente précise de celle-ci.
Ensuite il faudra aussi préparer une demande de permis de construire.
La seconde phase est la réalisation des travaux qui devra faire appel à l'habileté de compagnons.
Enfin, il conviendra de s'attacher à la mise en valeur du bâtiment et de son environnement.
La réalisation de ce programme s'avèrera certainement longue et coûteuse, mais vaut aussi la peine d'être tentée.